L'Administration des Postes française met en vente à partir du 5 Février 1955 à Paris et à partir du 7 février dans les autres bureaux du territoire, un timbre-poste commémoratif du deuxième centenaire de la mort de Saint-Simon (1675-1755).
Dessiné et gravé en taille-Douce par Decaris
Format vertical 22x36
Dentelé 13
Valeur 12 F
Couleurs : noir bistré et brun rouge
On eût étonné les contemporains de Louis XIV et du Régent, comme le duc de Saint-Simon lui-même, en leur prédisant le succès grandissant réservé par la postérité aux "Mémoires".
Par une dernière ironie du sort, un des représentants les plus authentiques de l'antique noblesse féodale survit par la seule gloire qu'il n'eût pas recherchée, la seule pourtant qui ne lui soit plus chichement mesurée : la gloire littéraire.
Curieuse destinée que celle de Louis de Rouvray, duc de Saint-Simon et pair du royaume de France ! Si l'illustration de sa race le conduit naturellement à embrasser la carrière des armes, s'il est bien nommé en 1693, "mestre de camp", il ne sera jamais un brillant officier : il ne peut supporter cette nouvelle armée, pleine d'administrations et de vétilles inutiles, surtout "cet ordre du tableau" qui fait avancer à l'ancienneté.
Saint-Simon démissionne en 1702, geste d'humeur qui ne lui fut pas pardonné par Louis XIV. Il peut bien s'installer à la Cour : ses titres et ses mérites ne seront jamais prisés à leur valeur, qu'il estime grande.
L'avènement de son ami, le duc d'Orléans, comme régent, lui donne de nouveaux espoirs : le voilà membre du Conseil, chargé d'une ambassade extraordinaire en Espagne. La mort du régent met fin à sa carrière politique.
Aigri par ses expériences malheureuses, Saint-Simon quitte la Cour : il va désormais se consacrer à la rédaction de ses souvenirs, ne se contentant pas, comme d'autres mémorialistes du temps, de dresser un tableau extérieur de la Cour.
Psychologue perspicace, observateur lucide et malveillant, il impose sa vision personnelle qui, par délà les apparences, nous donne l'impression de pénétrer les dessous d'un régime encore mal connu. Mettant sa coquetterie à ne jamais passer pour un homme de lettres, négligeant la syntaxe et bousculant le vocabulaire en l'enrichissant, Saint-Simon s'impose à ses lecteurs par le mouvement qui emporte sa phrase. Mais la mort même ne délivre pas le duc des tracasseries du pouvoir : un "ordre du roi" en 1760, décrète que tous ses écrits "concernant les affaires du Roy" et qu'ils doivent être mis au secret. Ce n'est qu'en 1829-1830 que paraît la première édition des "Mémoires" réputée "complète".
Mais il est probable que bien des inédits attendent encore une publication : Saint-Simon, de toute façon, a maintenant une place de choix dans l'histoire de la société et de la littérature française.